Article: Guinée-Bissau : la Commission électorale renonce à publier les résultats de la présidentielle

Guinée-Bissau : la Commission électorale renonce à publier les résultats de la présidentielle
Une décision qui accentue l’incertitude politique
En Guinée-Bissau, la situation politique continue de se tendre après l’intervention de l’armée et la suspension du processus électoral. Moins d’une semaine après la prise de pouvoir par les militaires, la Commission électorale nationale (CEN) est sortie de son silence en convoquant la presse, mardi 2 décembre, pour annoncer qu’elle ne rendra finalement aucun résultat du scrutin présidentiel. Cette déclaration marque un tournant majeur, car elle confirme que le pays entre dans une phase de blocage institutionnel où l’issue du vote, pourtant perçu comme une étape essentielle pour stabiliser un paysage politique fragmenté, ne sera pas connue dans l’immédiat.
Une rupture avec les demandes de la Cédéao, de l’opposition et de la société civile
Cette décision intervient alors même que la Cédéao, présente à Bissau la veille, avait formellement demandé la publication des résultats afin de préserver la transparence électorale et d’éviter un vide politique dangereux. L’opposition, tout comme plusieurs organisations de la société civile, avait insisté sur la nécessité de publier les chiffres afin de respecter le droit des électeurs et de prévenir toute manipulation du processus. En refusant d’aller dans ce sens, la CEN se place en contradiction directe avec les attentes régionales et nationales, ce qui risque d’alimenter les critiques concernant sa capacité à garantir l’intégrité de l’élection.
Le scrutin interrompu dans un contexte de tensions croissantes
L’intervention militaire, qui a brutalement interrompu les opérations de centralisation des votes, est justifiée par les forces armées comme une réponse à des « irrégularités graves » et des risques de déstabilisation politique. Cependant, aucune preuve détaillée n’a été rendue publique, et l’absence de résultats empêche toute vérification des allégations. Le pays, habitué à des cycles d’instabilité marqués par des coups d’État, des dissolutions d’institutions et des affrontements entre pouvoirs concurrents, se retrouve à nouveau plongé dans une période d’incertitude où les mécanismes traditionnels de régulation institutionnelle apparaissent fragilisés.
Une Commission électorale sous pression et en perte de capacité
Selon ses responsables, la Commission électorale n’aurait plus les conditions techniques ni sécuritaires nécessaires pour certifier des résultats qui, selon eux, pourraient contribuer à accroître les tensions politiques. La CEN affirme vouloir éviter de publier des données incomplètes ou contestées, estimant que son rôle est avant tout de préserver la stabilité nationale. Pourtant, dans un pays où les institutions ont souvent été accusées de partialité, cette justification ne convainc pas tous les observateurs, qui craignent que l’absence de transparence renforce la défiance déjà profonde entre les acteurs politiques.
La Cédéao confrontée à un nouveau défi régional
Pour la Cédéao, cette crise s’ajoute à une série de tensions politiques et militaires qui secouent l’Afrique de l’Ouest depuis plusieurs années. L’organisation se retrouve à devoir naviguer entre la volonté d’imposer la publication des résultats, conformément aux principes démocratiques qu’elle défend, et la nécessité d’éviter une confrontation directe avec les autorités militaires, qui pourraient se braquer davantage. La Guinée-Bissau devient ainsi un nouveau test pour la crédibilité de l’organisation régionale, qui cherche à maintenir une ligne cohérente face à la multiplication des transitions politiques interrompues ou contestées.
Une transition politique sans horizon clair
Pour l’heure, aucune date n’a été avancée pour une reprise du processus électoral ou pour un retour à l’ordre constitutionnel. Les acteurs politiques nationaux se retrouvent dans une situation d’attente prolongée, tandis que la population observe avec inquiétude un nouveau cycle d’incertitude, dans un pays où la fragilité institutionnelle est récurrente. Sans résultats, sans calendrier, et sans consensus politique minimal, la Guinée-Bissau s’engage dans une phase d’instabilité dont les contours restent difficiles à anticiper, et qui nécessitera une implication forte des acteurs régionaux pour éviter une dégradation supplémentaire de la situation.

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