
A Johannesburg, les cimetières appelés à devenir lieux de tourisme et d’énergie
Johannesburg, cité-monde à l’étroit, mise sur ses cimetières pour inventer un tourisme mémoriel innovant. Numérisation, funérailles vertes, solarisation… Le maire Dada Morero repense la mort pour revitaliser l’espace urbain. Le geste peut surprendre. Il exige, pourtant, un débat franc. Parce que ces lieux de repos sont aussi ceux de notre mémoire collective.
Renverser les mausolées du passé
Le constat tombe : sur 42 nécropoles municipales, seules trois ou quatre restent disponibles pour de nouveaux enterrements. Face à ce vide annoncé, le maire propose un remaniement radical : numériser les enregistrements funéraires, pour que chacun puisse, depuis son salon, localiser la tombe de ses parents en un clic. Cette mise en ligne de nos morts en témoins éclairés d’un monde qui s’accélère ? Plaidoyer pour une Afrique du Sud numérique qui assume enfin ses terres, jusqu’à ses oubliés.
Mais ce n’est pas tout : pourquoi ne pas transformer certains cimetières en centrales solaires ? Le maire n’écarte pas l’idée. Ce même sol sur lequel reposent des vies devient champ d’électricité : ironie contemporaine, vallée de sens avec en toile de fond des capteurs photovoltaïques.
Briser les tabous, panser le futur
"Land alone will not solve our problem", martèle Morero, le foncier ne suffit pas. Il prêche en faveur de l’innovation : enterrements multiples dans les tombes familiales, crémation, mausolées, sépultures écologiques. Le tout enveloppé d’un projet à la fois rationnel et irrévérencieux : "je dois être incinéré quand ce jour viendra…" lance-t-il en réponse aux réticences familiales.
Le défi n’est pas seulement pratique : il est culturel. Dans de nombreuses communautés noires, le cercueil, la voiture funéraire, la tente signes extérieurs de deuil sont autant de marques sociales coûteuses qu’il faut apprendre à déconstruire. Une révolution du rituel, en somme : digne et durable.
Entre pragmatisme et provocation
L’idée de transformer les cimetières en touristes de mémoire ou en batteries solaires choque. Elle interroge le sacré, joue avec nos sentiments, et dérange avec une élégance crue. Mais elle met aussi en lumière l’urgence : dans un Johannesburg étouffant de vies passées, faut-il laisser ces terres finir en friches silencieuses ?
Jozi accueillait du 25 au 27 août 2025, la conférence nationale de l’Association sud-africaine des cimetières (SACA), sur le thème "Eternal Evolution — Transforming for Sustainability". Pétri de promesses, ce rendez-vous appelle un tournant radical : villes, églises, industries, communautés, tous sont invités à co-écrire une nouvelle page funéraire.
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