Maroc, Gims investit à Marrakech : enquête sur son alliance avec un homme d’affaires franco-marocain dans un projet immobilier de luxe

La mue d’un artiste en investisseur

Depuis plusieurs années, Gims ne se contente plus de remplir les stades. L’artiste franco-congolais, installé à Marrakech avec sa famille, semble désormais déterminé à s’imposer dans un tout autre univers : celui de la pierre. À l’abri des regards, il a lancé l’un des projets immobiliers les plus ambitieux de la région, baptisé « Sunset Village Private Residences », un ensemble de résidences de luxe situé sur la route d’Amizmiz, aux portes du désert d’Agafay.
Derrière ce nom poétique, se cache un investissement colossal estimé à près d’un milliard de dirhams, soit environ 90 millions d’euros. L’objectif : ériger 118 villas haut de gamme sur près de treize hectares, avec lagon artificiel, piscines privatives et architecture minimaliste inspirée de la Californie. Une transformation spectaculaire pour un chanteur habitué aux lumières de la scène, qui s’improvise désormais promoteur immobilier dans la ville rouge.

Un partenaire discret mais puissant

Pour mener à bien ce chantier pharaonique, Gims ne s’est pas aventuré seul. D’après plusieurs sources locales, il s’est associé à un homme d’affaires franco-marocain déjà solidement implanté à Marrakech, réputé dans les cercles du tourisme et de la construction.
Peu d’informations filtrent sur ce partenaire, dont le nom reste soigneusement tenu à l’écart de la communication officielle du projet. Une discrétion qui interroge : qui est véritablement derrière Sunset Village ? Quel est le rôle exact de l’artiste ? Est-il investisseur, co-promoteur ou simple visage médiatique d’une opération bien plus vaste ?
Selon une source proche du dossier, cette collaboration aurait permis d’ouvrir des portes administratives et foncières essentielles dans un secteur où l’accès aux terrains constructibles autour de Marrakech est particulièrement convoité.

Sunset Village, le rêve d’un luxe « made in Marrakech »

À première vue, le projet semble parfaitement huilé. Situé à dix minutes du centre-ville, le futur complexe doit abriter des villas de 400 à 1 200 m², sur des parcelles de taille équivalente. L’ensemble sera ceint d’un lagon artificiel de 3 000 m² et d’espaces verts étudiés pour attirer une clientèle internationale : entrepreneurs, artistes, expatriés ou fortunes africaines en quête d’un pied-à-terre dans la capitale ocre.
L’architecture se veut épurée, entre modernisme européen et influences berbères, avec des matériaux naturels et une esthétique « minimaliste chic ». Les premières images de synthèse diffusées sur les réseaux montrent un décor digne des résidences de Palm Springs, transposé au pied de l’Atlas.
Mais au-delà du rêve, certains observateurs locaux rappellent que les grands projets immobiliers à Marrakech se heurtent souvent à des retards, à des tensions foncières ou à des surcoûts imprévus.

Les zones d’ombre du montage financier

Sur le papier, tout semble limpide : un artiste international, une ambition architecturale et une promesse de développement local. Dans les faits, plusieurs zones d’ombre subsistent.
Le montage financier exact du projet n’a jamais été rendu public. Aucune société n’apparaît encore clairement sous le nom « Sunset Village » dans les registres consultables du ministère marocain du Commerce. Le rôle de Gims, décrit tour à tour comme « cofondateur » ou « porteur d’image », n’est pas davantage précisé.
Les experts immobiliers interrogés évoquent des partenariats complexes entre holdings marocaines et structures basées à Dubaï, permettant de faciliter les transferts de capitaux. Une pratique courante dans le secteur du luxe, mais qui renforce le flou sur la part de risque assumée par chaque partie.

Un symbole des ambitions marocaines

Au-delà du cas Gims, ce projet illustre une tendance lourde : Marrakech est devenue le laboratoire de l’immobilier haut de gamme au Maroc. Les terrains se raréfient, les investisseurs étrangers affluent, et les stars de la musique ou du sport y voient une nouvelle scène pour diversifier leur patrimoine.
Le royaume, en pleine préparation de la Coupe du Monde 2030, multiplie les grands travaux : ligne à grande vitesse vers Casablanca, extension de l’aéroport, rénovation d’infrastructures touristiques. Autant d’éléments qui dopent la valeur du foncier autour de la ville.
En s’alliant à un partenaire local puissant, Gims s’inscrit dans cette logique : celle d’un pays où le prestige, la visibilité et le luxe deviennent les nouveaux instruments d’influence économique.

Derrière les murs, un projet de pouvoir ?

Si les villas de Sunset Village incarnent la réussite d’un artiste devenu entrepreneur, elles soulèvent aussi des interrogations sur la gouvernance de ces opérations hybrides. Dans les salons huppés de la Palmeraie, certains murmurent déjà que le projet de Gims serait soutenu par des capitaux bien plus importants que ceux annoncés, liés à des réseaux d’affaires franco-marocains très actifs dans la région.
L’artiste, lui, garde le silence. Sur ses réseaux, il préfère parler de musique et de foi, laissant à ses partenaires le soin de vanter le futur « quartier des artistes » qu’il promet d’élever au cœur du désert.

Marrakech, vitrine et mirage

Qu’il soit un simple investisseur ou le véritable cerveau du projet, Gims symbolise l’attraction qu’exerce Marrakech sur les élites africaines et européennes. Ville refuge, vitrine du soft power marocain, elle concentre aujourd’hui les plus grandes ambitions – et les plus grands risques.
Si le Sunset Village voit bien le jour selon les plans annoncés, il deviendra sans doute l’un des symboles de cette mutation : celle d’une cité où le luxe, la célébrité et la finance se mêlent dans un même récit.
Mais pour l’heure, le rêve reste en construction. Et à Marrakech, les chantiers les plus spectaculaires sont souvent ceux dont on parle le moins.