Naufrage sur le lac Kivu : fatalité ou fiasco de la gouvernance maritime en RDC ?
Le drame sur le lac Kivu, ce 4 octobre 2024, frappe encore la République Démocratique du Congo. À bord d'une embarcation qui devait relier Minova à Goma, plus de 70 passagers ont perdu la vie dans ce qui semble être une tragédie de plus sur les eaux du lac Kivu, hantées par les naufrages récurrents. Le bilan provisoire est lourd, mais les autorités craignent qu'il s'alourdisse au fur et à mesure que les recherches progressent. Ce type de drame est tristement commun, révélant l’état catastrophique de la gestion du secteur maritime dans le pays.
Un drame évitable, une routine macabre ?
Les témoignages évoquent une surcharge du bateau, une négligence flagrante qui met en lumière les carences criantes en matière de réglementation. Sur les eaux congolaises, c’est souvent une loterie morbide : embarquer pour un trajet, c’est prier pour arriver en vie. Les bateaux, souvent surchargés de marchandises et de passagers, sans gilets de sauvetage et avec peu d’entretien, deviennent de véritables cercueils flottants.
Ce naufrage s’inscrit dans une longue liste de catastrophes similaires. Rien qu’en 2022, plusieurs accidents mortels avaient déjà défrayé la chronique, dont un autre drame en juin, toujours sur le lac Kivu. Le scénario reste le même : surcharge, vétusté des embarcations, absence de contrôles adéquats. Chaque tragédie est suivie des mêmes discours, des mêmes promesses non tenues. Une histoire de déjà-vu qui continue de faucher des vies innocentes.
Pourquoi le lac Kivu est-il si meurtrier ?
Le lac Kivu, frontière naturelle entre la RDC et le Rwanda, est une voie de transport clé, reliant des villes comme Goma et Bukavu. En l'absence de routes fiables et de moyens de transport alternatifs, les habitants n'ont d'autre choix que de prendre ces bateaux pour leurs déplacements quotidiens ou pour transporter des marchandises. Mais derrière cette commodité apparente se cache une réalité sombre : l’absence de contrôle rigoureux sur ces embarcations. La majorité des bateaux qui circulent sur le lac sont de véritables épaves, rouillées, mal entretenues, et rarement contrôlées par les autorités compétentes.
Des solutions? Plus facile à dire qu’à faire
À chaque naufrage, les autorités promettent des réformes. On parle de renforcer la surveillance des bateaux, d’imposer des mesures de sécurité plus strictes, de sensibiliser les populations à la sécurité maritime. Pourtant, rien ne change réellement. Les infrastructures portuaires sont rudimentaires, et les gardes-côtes, s’ils existent, sont souvent sous-équipés et mal formés. La corruption endémique n’arrange rien. Il n’est pas rare que des capitaines graissent la patte des fonctionnaires pour pouvoir embarquer des passagers au-delà de la limite autorisée.
Les experts estiment qu’une véritable réforme du secteur maritime s’impose. La RDC dispose d’énormes ressources hydrauliques, mais elles sont largement sous-exploitées, et mal régulées. Le secteur pourrait être modernisé avec des financements adéquats, mais dans un pays où chaque franc semble se volatiliser dans les méandres de la corruption, cet espoir paraît lointain.
La mémoire des naufragés oubliée
L’aspect le plus tragique, c’est que derrière les chiffres froids des victimes se cachent des histoires de vie, des familles déchirées. Chaque passager du bateau avait une histoire, des rêves, des espoirs. Mais dans le tumulte de l’actualité, ces naufragés sont souvent oubliés. Peu de stèles, de monuments ou d’hommages sont rendus à ces hommes, femmes et enfants qui ont péri dans l’indifférence générale. Le cycle infernal des naufrages recommencera, et avec lui, les vagues de tristesse et de deuils.
Le temps des actions concrètes
Il est temps que les autorités prennent la question maritime au sérieux. Le lac Kivu est un joyau naturel, mais il est aussi un cimetière liquide. Tant que la réglementation restera aussi laxiste et que l’insécurité régnera sur ces embarcations, ces tragédies continueront de se produire.
Une solution passe par une approche plus stricte : imposer des sanctions aux capitaines et aux propriétaires des bateaux négligents, réhabiliter les infrastructures, former des équipes de secours et surtout, engager une campagne de sensibilisation massive. Mais cela requiert une volonté politique que beaucoup jugent absente.
Au final, le lac Kivu continuera à couler des larmes et du sang tant que la RDC n’aura pas décidé de s’attaquer frontalement à ce problème. Il est grand temps que la vie des citoyens soit enfin protégée, sur terre comme sur l’eau.
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