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Article: Quand Moody’s frappe encore, Dakar monte au front

Quand Moody’s frappe encore, Dakar monte au front
crédit Afrique

Quand Moody’s frappe encore, Dakar monte au front

Le Sénégal crie au scandale. Le 10 octobre 2025, l’agence américaine Moody’s a raboté la note souveraine du pays, la rétrogradant de B3 à Caa1. C’est la troisième fois en moins d’un an que cette même agence applique la lame. Le ministère des Finances, abasourdi, ne compte pas laisser passer.

Une gifle à la crédibilité

Le coup est brutal. Cette nouvelle dégradation intervient après deux précédentes déjà douloureuses, laissant à penser que Moody’s n’est plus seulement juge mais bourreau. Le passage de B3 à Caa1 souligne la défiance croissante que l’agence nourrit à l’égard de la trajectoire économique sénégalaise. Elle justifie sa décision par les risques aggravés sur l’endettement, la liquidité de l’État et la lenteur des réformes engagées. 

Pour le Sénégal, c’est plus qu’un coup de peinture : c’est une remise en cause publique de sa gestion. Le ministère des Finances a riposté dès le 11 octobre, dénonçant des “hypothèses spéculatives, subjectives et biaisées” dans l’analyse de Moody’s. Il reproche à l’agence de s’appuyer sur des sources non révélées et de publier dans la précipitation. Le gouvernement accuse également Moody’s de ne pas tenir compte du « Plan de Redressement Économique et Social » et des réformes fiscales en cours. 

Au-delà des mots : quelle réalité financière ?

Derrière les joutes verbales, le Sénégal n’est pas sorti d’affaire. La dette publique s’élève désormais autour de 119 % du PIB selon Moody’s, un niveau jugé insoutenable.  L’agence s’inquiète du poids du service de la dette ainsi que de la difficulté pour l’État à mobiliser des liquidités. L’accord attendu avec le Fonds monétaire international reste suspendu, rendant la dépendance aux marchés plus risquée encore. 

Mais le Sénégal n’est pas absurde à ce point. Il avance ses arguments : les réformes fiscales, le renforcement de la gouvernance et la transparence sont sur la table. Le pays réclame à Moody’s de revoir ses critères, de publier ses sources, et de modérer la sévérité de ses jugements.

Posture ou stratégie ?

On peut lire cette riposte comme une posture politique une façon pour le gouvernement de préserver sa légitimité domestique. Mais cela va plus loin : c’est une exigence d’équité dans le traitement des États africains face aux grandes agences de notation. Le Sénégal n’a pas seulement été frappé : il exige une reconnaissance de ses efforts et une ouverture du système.

Si Moody’s campe sur ses positions, Dakar pourrait se tourner vers d’autres sources de financement, notamment la diaspora ou les marchés régionaux, mais ces voies restent coûteuses. L’enjeu est clair : restaurer la confiance des investisseurs, musculer les finances publiques, et imposer sa vérité face aux mains invisibles des agences.

D’ici là, le bras de fer est lancé. Le Sénégal n’a pas choisi la discrétion : il a décidé de répondre et de ne pas plier.

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