
Carrefour battu par le boycott : l’enseigne française se retire des marchés arabes
Accusé de commercer avec les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, Carrefour a vu ses magasins fermés ou rebrandés dans une série de pays arabes. En moins d’un an, l’enseigne disparaît de Jordanie, Oman, Koweït et Bahreïn. Derrière cette retraite commerciale, c’est une victoire symbolique et partielle pour les militants pro-palestiniens, qui ont fait du boycott d’entreprises complices un levier de lutte politique.
Carrefour, l’enseigne sous pression
Depuis le déclenchement de l’offensive israélienne à Gaza, les appels au boycott des entreprises françaises ou occidentales perçues comme complices d’Israël se sont multipliés dans le monde arabe. Carrefour, distributeur de taille mondiale, a été particulièrement ciblé, notamment pour ses liens avec des acteurs israéliens ou des implantations dans des colonies jugées illégales par le droit international.
Le mouvement BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) a fortement mobilisé autour de Carrefour, l’accusant de « complicité » : par variété de produits, partenariats ou investissements en Israël et dans les colonies. Le décor était planté pour un choc entre l’économie et la politique.
Cette pression s’est traduite par des fermetures concrètes :
-
En Jordanie, Carrefour a cessé ses opérations le 4 novembre 2024.
-
A Oman, l’enseigne a officiellement stoppé toute activité le 7 janvier 2025.
-
Le 14 septembre 2025, Carrefour a annoncé la fermeture de ses magasins à Bahreïn.
-
Le 16 septembre 2025, l’enseigne a procédé à la cessation de ses opérations au Koweït.
Dans tous ces cas, le franchiseur régional du groupe, Majid Al Futtaim (MAF), basé à Dubaï, opère la transaction : les magasins Carrefour sont remplacés ou rebrandés sous la bannière locale HyperMax.
À ce retrait commercial s’ajoutent des justifications officielles floues : Carrefour évoque des « évolutions du marché », un repositionnement stratégique, ou des contraintes opérationnelles. Mais en coulisses, beaucoup y voient la victoire directe d’un boycott politique intensément médiatisé.
Une victoire militante ? À nuancer
Le boycott a pesé
Il serait excessif de dire que Carrefour est parti uniquement à cause du boycott ; la réalité est plus complexe. Toutefois, le mouvement pro-palestinien a joué un rôle indéniable dans l’érosion de son image et la perte de parts de marché dans les pays arabes. Manifestations devant des magasins, campagnes sur les réseaux sociaux, appels à la défection des consommateurs : le discours a pénétré les esprits.
Dans beaucoup de villes arabes, on a vu des protestataires scander : « Carrefour complice » ou « boycott jusqu’à Gaza libre », transformant les hypermarchés en cibles symboliques. Le retrait en Jordanie a été interprété comme un premier jackpot pour les militants justifié ou non par des annonces privées, la communication officielle est restée vague.
Mais des signaux plus économiques
Les analystes soulignent que Carrefour fait face à des défis structurels au Moyen-Orient : forte concurrence locale, coût logistique élevé, volatilité des devises, et coûts élevés d’exploitation.
De plus, Majid Al Futtaim, le franchisé régional, cherchait depuis longtemps à accroître la part de ses propres marques et à renforcer une identité locale. Remplacer Carrefour par HyperMax évite les redevances de licence et donne plus de flexibilité stratégique.
Autrement dit : le boycott n’est pas absent, mais il n’est probablement pas le seul moteur du retrait.
Une victoire symbolique, mais limitée
Pour les militants pro-palestiniens, l’importance de ce recul est en partie symbolique prouver qu’un géant économique peut plier devant l’opinion publique. Mais la question reste : est-ce un retrait global ou local ?
Carrefour reste actif ailleurs au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, notamment en Égypte, au Maroc. Le groupe n’a pas officiellement confirmé vouloir se retirer d’autres pays arabes.
Plus encore : le remplacement par HyperMax ne signe pas un retrait complet de la chaîne de valeur les infrastructures, les chaînes d’approvisionnement, les personnels restent souvent dans le giron de la filiale locale. L’enseigne française peut continuer à avoir des liens indirects.
Ce que cela change ou ce que cela ne change pas
Le message au monde arabe
Le retrait de Carrefour de ces marchés majeurs est un signal : une entreprise, même puissante, peut être contrainte par la pression citoyenne. Cela augure d’un nouveau théâtre dans la lutte économique autour du conflit israélo-palestinien : les marchés, les marques, le commerce deviennent des champs de bataille.
Les mobilisations « de terrain » en Arabie ou en Afrique du Nord ont peut-être révélé une nouvelle dimension du soutien à la cause palestinienne non pas seulement militante ou symbolique, mais aussi consommatrice. Le boycott économique devient outil de pression.
Limites de l’impact réel
Mais sur le plan matériel, l’impact est faible sur la géopolitique du conflit. Le retrait de Carrefour n’affecte ni les frontières, ni les politiques d’occupation, ni les décisions diplomatiques.
En outre, les consommateurs des pays concernés ne perdent pas totalement l’accès aux biens : les magasins continuent sous d’autres façades, avec des produits importés ou locaux.
Enfin, il est possible que Carrefour (ou une autre enseigne mondiale) revienne dans ces pays une fois les tensions apaisées, ou sous un autre volet contractuel.
Ce retrait de Carrefour dans quatre pays arabes n’est pas un tremblement de terre économique mais c’est une secousse symbolique. Elle montre que la légitimité des entreprises internationales peut être remise en cause par des mouvements populaires mobilisés sur des enjeux politiques. Et dans ce jeu, les militants pro-palestiniens revendiquent haut et fort une victoire : faire plier un géant de la distribution.
Laisser un commentaire
Ce site est protégé par hCaptcha, et la Politique de confidentialité et les Conditions de service de hCaptcha s’appliquent.