RDC : Beveraggi contre Katumbi, une bataille judiciaire qui connaît un tournant décisif
Depuis plusieurs années, Pascal Beveraggi, propriétaire du groupe émirati OCTAVIA et de sa société opérationnelle NB MINING AFRICA, est engagé dans une guerre judiciaire contre Moïse Katumbi, politicien congolais influent propriétaire de la société ASTALIA, enregistrée à l'Île Maurice et de sa société opérationnelle MCK Trucks en RDC.
Ce conflit, qui s'étend sur plusieurs juridictions internationales, porte sur des actifs miniers stratégiques en République Démocratique du Congo (RDC). Le récent jugement rendu le 4 octobre 2024 par le Tribunal de Grande Instance de Kinshasa/Gombe constitue une victoire décisive pour Beveraggi dans cette affaire complexe, marquée par des attaques individuelles, des accusations de fraude, des saisies illégales et des manœuvres politiques.
Un contexte de fraude et de spoliation
L'affaire trouve ses racines en 2015, lorsque NECOTRANS, un groupe français spécialisé dans la logistique en Afrique, rachète MCK, la société opérationnelle d’Astalia détenue par Katumbi, exploitant des mines dans la région du Katanga notamment.
NECOTRANS sollicite alors Pascal Beveraggi pour son expertise dans le domaine, et lui demande de prendre la Présidence du Conseil d’Administration de NB MINING (anciennement MCK), tandis que Grégory Quérel, Président de NECOTRANS, reste Directeur Général de la société.
Cependant, en raison d’un climat général défavorable à Moïse Katumbi à l’époque, une vague de représailles fiscales et douanières s’abat contre la société quelques jours après sa vente, menaçant son existence.
Les complications s’aggravent en 2017 lorsque NECOTRANS, frappée par des difficultés financières dans ses autres activités, est placée en redressement judiciaire à Paris. Beveraggi, le mieux placé pour éviter la catastrophe économique à ce moment-là, se positionne pour reprendre les actifs miniers de NECOTRANS à travers son groupe OCTAVIA. Katumbi, alors en exil, réclame plusieurs dizaines millions de dollars et y voit l’opportunité de récupérer la société qu’il avait vendue deux ans plus tôt. Mais après quelques rebondissements, c’est bien Pascal Beveraggi qui prend possession de la société, qui s’appellera désormais NB MINING AFRICA.
Une bataille judiciaire internationale
L'une des particularités de cette affaire réside dans sa dimension internationale. Les deux parties se sont affrontées dans plusieurs juridictions, notamment à Paris, Dubaï et en RDC. En 2018, OCTAVIA a donc pris possession des actifs de NB MINING après une décision favorable des tribunaux français.
Mais Katumbi, fort de son influence politique grandissante lors de son retour en RDC en 2019, reprend les hostilités. En effet, à cette époque, à la faveur d’un contexte politique, l’ancien gouverneur du Katanga se voit intégré par Félix Tshisekedi, tout nouveau président de la RDC, dans une grande union nationale, et souhaite retrouver de son influence sur le plan économique et judiciaire notamment.
En août 2020, un tribunal de Kolwezi, par une décision qui sera plus tard qualifiée de frauduleuse en raison de l’absence de convocation et de défense de la partie adverse, condamne OCTAVIA à verser 70 millions de dollars à ASTALIA assortis de la clause non exécutoire. Cette décision, rendue sans que Beveraggi ou ses représentants ne soient présents au procès, est suivie de saisies illégales orchestrées par ASTALIA avec l’aide de militaires, provoquant des affrontements violents et la mort de deux employés de NB MINING AFRICA. Les actifs saisis incluent également des actifs financiers détenus dans des institutions comme ECOBANK, GECAMINES ou RUASHI MINING, à hauteur de 15 millions de dollars.
La production de documents frauduleux ne s’arrête pas là : en 2022, Katumbi va jusqu’à Dubaï pour tenter d’exéquaturer son faux jugement de Kolwezi, saisissant tous les actifs d’OCTAVIA aux Emirats. Beveraggi gagnera à nouveau cet épisode judiciaire devant les tribunaux émiratis, en appel et en cassation, prouvant que les documents utilisés par Katumbi étaient des faux.
Le jugement du 4 octobre 2024 : un tournant décisif
Le jugement rendu en octobre 2024 par le Tribunal de Kinshasa/Gombe marque donc un tournant décisif dans cette affaire. Ce jugement a condamné ECOBANK RDC à verser 5,5 millions de dollars de dommages et intérêts à NB MINING AFRICA et OCTAVIA pour abus de confiance, en ayant facilité les transactions illégales orchestrées par ASTALIA et MCK. Le tribunal a également reconnu la culpabilité de deux dirigeants d’ECOBANK, Alain Serge Mungimur (directeur juridique) et Sengo Auguste (directeur des opérations), pour avoir détourné plus de 5 millions de dollars via une fausse procuration produite par ASTALIA.
Cette décision renforce considérablement la position de Beveraggi, qui avait déjà remporté tous ses procès dans cette affaire, sur trois continents. Elle permet à OCTAVIA et NB MINING AFRICA de réclamer la restitution des fonds et actifs illégalement saisis, tout en confirmant l'implication d'ECOBANK et d’ASTALIA dans des pratiques de fraude et d’abus de confiance.
Un impact politique et économique majeur
Au-delà des implications juridiques, ce jugement a des répercussions politiques et économiques majeures en RDC. Moïse Katumbi, ancien gouverneur du Katanga et figure politique de premier plan, actuellement au cœur de tourmentes dans sa région, a longtemps bénéficié d'une protection politique, ce qui lui a permis de contourner voire d’orchestrer plusieurs décisions de justice. Cependant, cette victoire de Beveraggi pourrait contribuer à affaiblir la position de Katumbi et à limiter son influence sur le secteur minier, l’un des plus stratégiques du pays.
De plus, la condamnation d’ECOBANK met en lumière le rôle joué par certaines institutions financières dans la facilitation des manœuvres frauduleuses et des transferts illicites, ouvrant la voie à d’éventuelles enquêtes supplémentaires sur la complicité des banques dans ce type de scandale financier.
Perspectives pour NB MINING AFRICA et OCTAVIA
Si cette victoire judiciaire est une étape cruciale pour Pascal Beveraggi et ses entreprises, la véritable mise en œuvre du jugement reste incertaine. En RDC, l’exécution des décisions de justice est souvent entravée par des facteurs politiques, des complicités locales et la lenteur administrative. Beveraggi et OCTAVIA devront donc redoubler d’efforts pour obtenir la restitution des actifs saisis et s'assurer que les condamnations soient effectivement appliquées.
Cette affaire, emblématique des défis que représente l’investissement en RDC, illustre les complexités judiciaires et politiques du secteur minier congolais. Bien que les décisions de justice soient favorables à Beveraggi, le chemin vers une véritable résolution reste compliqué, dans un pays où l’application des décisions de justice reste soumis à des guerres d’influences et à une corruption de chaque instant.
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