Soudan : la reconquête militaire de Khartoum après dix-huit mois de guerre
Le 26 septembre 2024, une offensive militaire marquant un tournant majeur a secoué Khartoum, capitale du Soudan. Dix-huit mois après en avoir été chassée, l'armée soudanaise, dirigée par le général Abdel Fattah al-Bourhane, a lancé une opération massive pour reprendre la ville aux mains des Forces de soutien rapide (FSR), la milice paramilitaire dirigée par Mohammed Hamdan Daglo, alias « Hemetti ». La bataille pour Khartoum, qui se déroule sur fond de guerre civile brutale depuis avril 2023, met à nu la complexité d'un conflit ravageur qui a plongé le pays dans le chaos.
Un an et demi de chaos à Khartoum
Khartoum, cœur stratégique du Soudan, est devenue une ville en ruines, disputée par deux factions militaires : l'armée régulière (FAS) et les FSR. En avril 2023, au début de la guerre, les FSR avaient réussi à prendre le contrôle de la capitale après une percée rapide, forçant l'armée à se replier. Ce fut le début d’une guerre fratricide où chaque rue, chaque pont est devenu un enjeu militaire. Mais aujourd'hui, les Forces armées soudanaises veulent reprendre la main, une manœuvre qui, si elle réussit, pourrait redessiner le cours de cette guerre dévastatrice.
Le 26 septembre, à l’aube, l’armée a commencé son offensive en attaquant deux ponts reliant la ville d’Omdourman à Khartoum, franchissant enfin le quartier d’El-Mugran, point stratégique où le Nil Bleu et le Nil Blanc se rejoignent. Cette percée éclair s’est accompagnée de violents bombardements aériens visant les positions des paramilitaires, une stratégie qui rappelle la brutalité croissante de ce conflit.
Des civils pris en étau
Pour les habitants de Khartoum, la situation est cauchemardesque. Ceux qui n’ont pas pu fuir la ville restent enfermés dans leurs maisons, coincés entre les lignes de front. Omar*, habitant d’un quartier en proie aux combats, raconte le quotidien sous les bombes : « Les raids aériens sont incessants. Des obus sont tombés près de chez moi hier ». Les civils paient un lourd tribut, prisonniers d’une ville assiégée, où l'accès à l'eau, la nourriture et les soins médicaux est devenu presque impossible.
Malgré les efforts de l’armée régulière, la situation est loin d’être résolue. Si elle a pu progresser dans certains quartiers périphériques de Khartoum, notamment en capturant le pont de Halfaya, elle peine à déloger les FSR du centre-ville, où se trouvent des sites stratégiques comme le palais présidentiel. Les paramilitaires, bien retranchés, défendent férocement leurs positions, rendant chaque avancée difficile et coûteuse en vies humaines.
Une offensive qui redéfinit le rapport de force
Cette offensive, bien que déterminante, n’est que l’un des nombreux rebondissements dans cette guerre complexe. En février dernier, l’armée avait déjà réussi à reprendre Omdourman, la ville la plus peuplée du pays. Cependant, la reconquête totale de Khartoum représente un défi bien plus grand, en raison de la densité de la population et de l’importance symbolique et stratégique de la capitale.
Les Forces de soutien rapide, qui s’étaient rapidement imposées au début du conflit, contrôlent encore de nombreuses zones vitales du centre de Khartoum, notamment autour du palais présidentiel et de l’université. Leur résistance acharnée témoigne de la capacité de Hemetti à organiser ses troupes, malgré les pertes subies dans d’autres régions du pays.
Une guerre qui s’étend bien au-delà de Khartoum
Au-delà des affrontements dans la capitale, la guerre fait rage dans d’autres régions du Soudan, notamment au Darfour et au Kordofan. Le conflit, qui a débuté comme une lutte de pouvoir entre deux factions militaires, a rapidement dégénéré en une catastrophe humanitaire. Selon les Nations unies, des centaines de milliers de civils ont été déplacés, tandis que des milliers d’autres ont perdu la vie. Les infrastructures du pays sont en lambeaux, exacerbant encore la misère de la population.
Cette guerre n’a pas seulement fracturé le Soudan. Elle menace également de déstabiliser la région tout entière. Les pays voisins, tels que le Tchad et l’Égypte, suivent de près l’évolution du conflit, conscients que ses répercussions pourraient dépasser les frontières soudanaises. Le Soudan, carrefour stratégique entre l'Afrique de l'Est et le monde arabe, est devenu le théâtre d’un conflit dont les enjeux dépassent largement la seule lutte pour le pouvoir.
Quel avenir pour le Soudan ?
Alors que l'armée régulière tente de reprendre pied à Khartoum, la situation reste incertaine. La guerre a brisé l'unité du pays et laissé un peuple exsangue. Même si le général Al-Bourhane parvient à reprendre le contrôle de la capitale, la paix semble encore bien loin. Les divisions internes, les enjeux ethniques et la destruction massive des infrastructures constituent des obstacles majeurs à toute tentative de reconstruction.
De plus, la communauté internationale, bien que préoccupée par la situation, reste pour l’instant relativement impuissante. Les efforts de médiation n’ont pas réussi à mettre fin aux hostilités, et les tentatives de cessez-le-feu ont systématiquement échoué. En attendant, les civils soudanais continuent de payer le prix fort d'une guerre qui n'a que trop duré.
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