
Togo : au moins 3 morts et des dizaines de blessés dans les riots contre le pouvoir
Lomé se transforme en poudrière. Depuis l’adoption des réformes constitutionnelles, révoltée et déterminée, la population descend dans la rue pour dénoncer un putsch institutionnel. Les forces de l’ordre frappent. Le bilan est lourd : au moins trois manifestants tués, des dizaines de blessés, des arrestations massives. Et c’est loin d’être terminé.
Une contestation qui s’enflamme
Depuis le 26 juin, le rassemblement populaire s’est étendu sur plusieurs jours, exhorté par des coalitions comme « touche pas à ma constitution » et des influenceurs locaux. Ces protestations visent la nouvelle posture de Faure Gnassingbé, désormais président du Conseil des ministres – un poste sans limite de mandat, renouvelable par la seule Assemblée. Pour l’opposition, c’est un « coup d’État constitutionnel », un verrouillage du pouvoir par la dynastie Gnassingbé.
Les cortèges, notamment à Bè et sur l’avenue de la Marina, érigent des barricades, brûlent des pneus, scandent des cris de révolte, expriment le ras-le-bol d’une jeunesse frappée par le chômage et la vie chère.
Répression féroce et bilan dramatique
La réaction des forces de l’ordre – police, gendarmerie et soldats – est brutale. Gaz lacrymogènes, matraques, blindés, arrestations à domicile… le tout ponctué de violences aveugles, parfois relatées comme des descentes d’hommes en civil à Lomé . Au moins trois manifestants ont perdu la vie dans ces affrontements. « Nous avons été informés d’un bain de sang orchestré par l’armée », dénonce le mouvement « touche pas à ma constitution ».
Des vidéos partagées sur les réseaux sociaux témoignent d’arrestations brutales, de tabassages, voire de torture présumée, relayées par Amnesty International . Des dizaines de personnes seraient blessées par balles, matraques ou inhalation. Une dizaine d’opposants au moins ont été arrêtés dans le quartier de Bè . Les quartiers populaires s’embrasent : gaz contre pierre, soldats face à des civils désarmés.
Un pas de trop vers l’autocratie
Ces manifestations ne sont pas sorties de nulle part. Elles s’inscrivent dans un long cycle : le Togo est sous le joug de la famille Gnassingbé depuis 1967. Faure a succédé à son père en 2005, puis entériné une nouvelle constitution en 2024, remaniant le régime en une cinquième République à sa main : passage à un régime parlementaire, maintien du pouvoir par la voie indirecte via un poste de Premier ministre habilité à être renouvelé indéfiniment. Ce schéma a été largement perçu par l’opposition comme un stratagème pour prolonger son contrôle politique sans limite.
Avant même ces récents rassemblements, des dissensions politiques et sociales couvaient : en juin, des arrestations multiples contre des blogueurs, activistes et jeunes citoyens révoltés s’étaient déjà produites, ainsi que la coupure de médias francophones comme RFI et France 24.
Le Togo au bord du gouffre démocratique
Si la mobilisation perdure, la scène togolaise pourrait basculer dans une crise aiguë. Le gouvernement se retranche derrière la sécurité pour justifier la répression, qualifiant les manifestations de menace institutionnelle . Face à cela, les mouvements de contestation exigent la libération des détenus politiques, la restauration des libertés publiques, et le retrait pur et simple du nouveau texte constitutionnel.
Le tournant de ces affrontements portera en lui la réponse à deux questions cruciales : l’armée restera-t-elle fidèle au régime ou décidera-t-elle de jouer un rôle d’arbitre ? L’ouverture à un vrai dialogue national verra-t-elle le jour ou le pouvoir choisira-t-il de s’enfermer dans un régime de fer ?
Cette crise togolaise résonne dans un climat africain fragile, où les coups d’État, la dérive autoritaire et l’érosion démocratique se multiplient. La communauté internationale observe, plus que jamais, comme pour un tremblement de terre politique imminent. Sous le feu des projecteurs, Paris, la CEDEAO, l’UA ou l’UE ne pourront plus se contenter de déclarations de principe : leur intervention – diplomatique ou humanitaire – pourrait devenir décisive.
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