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Article: Gabon : L’article 53, l'ivoirité à la sauce Oligui ?

Gabon : L’article 53, l'ivoirité à la sauce Oligui ?
Bilie-By-Nze

Gabon : L’article 53, l'ivoirité à la sauce Oligui ?

Alain Claude Bilie-By-Nze tire la sonnette d’alarme : le Gabon, en pleine transition après le coup d'État de 2023, est sur le point de manquer un tournant historique. Le général Oligui Nguema, président par intérim, est attendu au tournant pour concrétiser les promesses de réformes constitutionnelles et démocratiques. Mais comme la montre tourne, le flou persiste.

Le projet de constitution de la transition menée par Brice Oligui Nguema pourrait bien être la nouvelle version gabonaise de l’Ivoirité. L’article 53, critiqué pour ses critères ultra-restrictifs, exclut près de 94 % des Gabonais de la présidence.

Les candidats à la présidence doivent avoir entre 35 et 70 ans, être Gabonais de naissance avec des parents nés Gabonais, être mariés à un(e) Gabonais(e) également issu(e) de parents nés Gabonais, résider de manière continue au Gabon depuis trois ans, jouir d’un état de santé physique et mental validé par un collège médical, et bénéficier de l'intégralité de leurs droits civils et politiques.

La résurgence d’un modèle dangereux

Cette disposition rappelle de manière troublante la politique de l’Ivoirité, qui avait exclu Alassane Ouattara de la présidentielle ivoirienne de 2000 sous prétexte qu'il n'était pas un "Ivoirien d'origine". Dans le cas gabonais, l’article 53 semble taillé pour limiter drastiquement l'accès à la magistrature suprême à une petite élite, au risque de diviser la nation sur des bases similaires à celles qui ont fracturé la Côte d'Ivoire.

Les critères nationaux, notamment celui concernant la nationalité des parents, sont particulièrement pointés du doigt. Beaucoup craignent que cela ne ravive des sentiments d'exclusion chez les citoyens d'origine mixte ou avec des parents naturalisés, un peu comme l'Ivoirité a mis à l'écart des pans entiers de la population ivoirienne. En outre, l'exigence d'une résidence continue au Gabon, dans un contexte de diaspora importante, limite encore davantage les possibilités pour des talents extérieurs de contribuer à la gouvernance nationale.

Le spectre d'une nouvelle exclusion

La question qui brûle toutes les lèvres est de savoir si Oligui est conscient de la bombe à retardement qu’il pourrait créer avec cette version exclusive de la Constitution. Le peuple gabonais, à la recherche d’une nouvelle dynamique politique post-Bongo, risque de voir ses espoirs anéantis si l'élite actuelle impose une loi qui marginalise la majorité.

La restriction de l'âge, qui élimine des septuagénaires parfois perçus comme des réservoirs de sagesse et d'expérience, n'est pas le seul problème. La santé, critère subjectif entre les mains d’un collège médical, laisse aussi planer des doutes sur la transparence du processus. Et les critères liés au mariage sont assez stupéfiants. Tout cela fait écho à une forme d’arbitraire ou de manipulation qui pourrait bien être le poison de la nouvelle République gabonaise. 

Un rendez-vous manqué avec l’Histoire ?

Oligui, censé être l'homme du renouveau, est face à un défi : prouver que cette transition ne se résumera pas à une exclusion déguisée des forces vives du pays. Le peuple gabonais n’aura peut-être pas la patience de vivre une "Ivoirité", d’autant plus que l’Histoire a montré combien ce genre de politique régressive peut mener à des conflits internes.

Le spectre ivoirien est bel et bien présent. Et si Oligui persiste à défendre un article 53 qui coupe l'herbe sous le pied à la majorité des Gabonais, il pourrait rejoindre la liste de ceux qui, malgré leurs promesses, auront manqué leur "rendez-vous avec l’histoire".

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