Macron au Maroc : opération séduction ou simple réchauffement diplomatique ?
Après trois longues années de tensions glaciales entre Rabat et Paris, Emmanuel Macron s’apprête à franchir un cap symbolique : une visite officielle au Maroc. Dans un contexte où les relations entre la France et ses anciennes colonies africaines sont sous haute tension, ce voyage apparaît à la fois comme un acte politique nécessaire et un test délicat. Mais que faut-il vraiment en attendre ? Est-ce le début d’une réconciliation sincère ou simplement une manœuvre de façade pour regagner un peu de terrain perdu dans le jeu diplomatique maghrébin ?
Trois ans de froid glacial
C’était il y a trois ans. La France et le Maroc, partenaires historiques aux relations qualifiées de "privilégiées", ont vu leurs échanges se détériorer à un point critique. La goutte d'eau a été la décision de la France de réduire drastiquement les visas accordés aux Marocains, un choix qui a été vécu comme une véritable humiliation à Rabat. Officiellement, Paris justifiait ce durcissement par la réticence des autorités marocaines à reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière. Un argument que beaucoup ont vu comme une façade pour masquer un désintérêt croissant de la France vis-à-vis de ses partenaires maghrébins. Ce gel des relations n'a pas seulement été ressenti dans les couloirs des chancelleries, mais aussi au sein des populations des deux pays, qui ont assisté, impuissantes, à cette dégradation.
La visite de Macron au Maroc vient donc marquer la fin de ce long hiver diplomatique, mais les plaies sont loin d’être refermées. Pour Rabat, cette invitation est un acte de souveraineté assumé, alors que la monarchie marocaine continue de renforcer ses relations avec d'autres puissances comme les États-Unis, la Chine et même Israël. Le Maroc de Mohammed VI n'est plus ce pays totalement aligné sur les positions françaises. Et Paris l’a appris à ses dépens.
Une visite sous pression
Emmanuel Macron, en décidant de se rendre à Rabat, marche sur des œufs. La France, de plus en plus critiquée pour son attitude paternaliste envers ses anciens protectorats, doit aujourd’hui redéfinir ses alliances et ajuster sa posture diplomatique. Macron arrive donc dans un Maroc où la France n'est plus la seule actrice influente. Le royaume chérifien s’est, au fil des années, émancipé des vieux schémas post-coloniaux, affichant clairement son intention de diversifier ses partenariats.
En matière de sécurité, par exemple, les relations entre le Maroc et les États-Unis sont aujourd'hui au beau fixe, avec une coopération renforcée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et la défense régionale. Sur le plan économique, la Chine continue d'investir massivement dans les infrastructures marocaines, et Israël, avec qui Rabat a normalisé ses relations en 2020, a vu ses échanges commerciaux avec le royaume exploser. Pendant ce temps, Paris, jadis indétrônable dans ces secteurs, regarde son influence fondre comme neige au soleil.
Macron arrive donc avec la mission presque impossible de relancer une dynamique bilatérale, sans pour autant donner l'impression que la France cherche à imposer ses conditions. Le Maroc, fort de ses nouvelles alliances, n’a pas besoin de la France comme autrefois. C’est dans ce contexte que se jouera cette visite diplomatique. Macron pourra-t-il se repositionner dans une région où la France peine à maintenir son leadership ?
Des dossiers brûlants sur la table
Au-delà des sourires et des poignées de main officielles, plusieurs dossiers sensibles attendent d'être abordés. D'abord, la question du Sahara Occidental, véritable point de friction entre le Maroc et l'Algérie, deux voisins rivaux. Rabat attend de Paris une position plus claire et ferme sur ce dossier, avec un soutien explicite à son plan d’autonomie pour la région. Si la France a, jusqu’à présent, soutenu discrètement les aspirations marocaines, elle reste néanmoins prudente, évitant de froisser Alger. Un équilibre difficile à maintenir, surtout à l’heure où les relations entre Paris et Alger sont elles aussi au plus bas.
Ensuite, la question migratoire. Le Maroc joue un rôle clé dans le contrôle des flux migratoires vers l’Europe, une responsabilité que Rabat n’hésite pas à utiliser comme levier de pression. La France, prise entre des impératifs de sécurité intérieure et des engagements internationaux, devra naviguer habilement sur ce sujet. Le retour à une politique de visas plus souple sera sans doute l’un des points majeurs de cette visite, mais encore faut-il que Macron trouve le bon ton pour convaincre.
Enfin, sur le plan économique, il y a la question des investissements français au Maroc. Si les entreprises françaises restent parmi les premières en termes de présence et d'investissements, elles doivent désormais composer avec une concurrence de plus en plus féroce. Macron pourrait tenter de relancer certains projets communs, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables et de l’agriculture, deux domaines où le Maroc affiche des ambitions de leader régional.
Macron, encore crédible au Maghreb ?
Cette visite au Maroc n’est pas seulement un déplacement diplomatique, elle est aussi un test pour la crédibilité de la France dans le Maghreb. Alors que Macron peine à maintenir une présence solide en Afrique subsaharienne, notamment après les échecs cuisants au Mali et au Niger, le Maghreb apparaît comme l’un des derniers bastions où Paris peut encore espérer jouer un rôle important. Mais la question reste ouverte : ce voyage marquera-t-il un véritable tournant dans les relations franco-marocaines, ou ne sera-t-il qu’un épisode de plus dans une saga de plus en plus complexe entre la France et ses partenaires du Sud ?
Rien n’est moins sûr. Dans ce jeu de pouvoir où chaque geste compte, Emmanuel Macron a tout intérêt à redoubler de prudence, sous peine de voir le Maroc, comme d’autres avant lui, s’éloigner un peu plus du giron français. Le président français parviendra-t-il à convaincre Mohammed VI et à regagner la confiance du peuple marocain ? Ou assisterons-nous à un énième rendez-vous manqué, dans une relation qui n’a plus rien de romantique ?
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