Présidentielle ivoirienne : l’ancien pilier Ouattara rompt et interpelle

Philippe Serey‑Eiffel, conseiller historique d’Alassane Ouattara durant près de trente ans, sort de sa réserve. Dans une lettre confidentielle transmise à la mi‑mai, il fustige l’exclusion de Tidjane Thiam de la liste électorale pour la présidentielle d’octobre 2025, dénonçant un « triple erreur politique » et une « faute morale » potentielle. Une mise en garde cinglante, qui pourrait précipiter des remous majeurs dans la campagne.

Un courrier plein de piques

Dans une correspondance datée de mi‑mai et révélée par Africa Intelligence, Serey‑Eiffel s'adresse directement au président Alassane Ouattara. Il y dénonce l'exclusion pure et simple de Tidjane Thiam, figure de l’opposition et ancien directeur général de la Banque mondiale, de la campagne présidentielle. Selon lui, cette décision porte atteinte à la démocratie ivoirienne et ternit l’image du dirigeant comme « héritier de Houphouët‑Boigny ».

Il écrit notamment : « Personne ne conteste aujourd’hui la nationalité ivoirienne de Tidjane Thiam… Empêcher la candidature d’un Ivoirien à la valeur reconnue porterait atteinte à la démocratie ». 

Triple erreur politique et équation électorale

Serey‑Eiffel qualifie l’exclusion de Thiam de « triple erreur politique » : elle écarte une voix majeure de l’opposition, elle affaiblit la légitimité du scrutin, elle jardine dans une impasse judiciaire susceptible de provoquer des répliques délétères.

Il appelle même à une révision exceptionnelle du fichier électoral, afin de réintégrer Thiam et redonner du crédit au processus.

Rupture, contre‑offensive et impact politique

En clivant, il va plus loin : il retire son soutien à Ouattara. C’est un signal fort. Il considère que le président dénature les valeurs de transparence chères à Houphouët‑Boigny 

Dès la publication de sa lettre, des ministres proches de Ouattara ont riposté. Khalil Ibrahim Konaté, ministre de la Transition numérique, l’a publiquement recadré, le jugeant mal fondé.Manifestement, cette défection résonne comme un coup de tonnerre dans les cercles du pouvoir.

Vers une campagne fracturée

Cet épisode s’inscrit dans un contexte déjà tendu : quatre candidats emblématiques, dont Thiam, Gbagbo, Soro ou Blé Goudé, ont été purement et simplement rayés de la course. Les critiques s’amplifient : cette fronde de Serey‑Eiffel, très respecté, pourrait inciter d’autres poids lourds du RHDP à se désolidariser.

Le climat politique se durcit, les appels à l’inclusivité se font plus pressants. En coulisses, l’ex‑conseiller espère une amorce de réforme avant que ne débute la campagne sur le terrain.