Breyten Breytenbach : l'icône rebelle de l'Afrique du Sud s'éteint à 85 ans
L'écrivain, poète et peintre sud-africain Breyten Breytenbach, figure emblématique de la lutte contre l'apartheid, est décédé à Paris à l'âge de 85 ans. Retour sur le parcours tumultueux d'un artiste engagé.
Un Afrikaner en exil : l'art au service de la rébellion
Né le 16 septembre 1939 à Bonnievale, dans la province du Cap, Breyten Breytenbach grandit au sein de la communauté afrikaner. Très tôt, il se distingue par son opposition farouche au régime de l'apartheid, un positionnement rare parmi les siens. En 1960, il choisit l'exil en France, où il épouse Yolande Ngo Thi Hoang Lien, une Française d'origine vietnamienne, défiant ainsi les lois sud-africaines interdisant les mariages interraciaux.
Installé à Paris, Breytenbach s'impose comme une voix dissidente majeure. Ses œuvres, écrites principalement en afrikaans, dénoncent avec virulence les injustices du régime sud-africain. Son recueil de poésie "Die Ysterkoei Moet Sweet" (1964) marque une rupture stylistique et thématique dans la littérature afrikaner, abordant des sujets tabous avec une liberté de ton inédite.
Retour clandestin et emprisonnement : le prix de l'engagement
En 1975, malgré les risques, Breytenbach retourne clandestinement en Afrique du Sud sous une fausse identité. Son objectif : organiser une résistance blanche contre l'apartheid. Mais il est rapidement arrêté et accusé de terrorisme. Condamné à neuf ans de prison, il en purge sept, dont deux en isolement. Cette expérience carcérale donnera naissance à son ouvrage le plus célèbre, "Confession véridique d'un terroriste albinos" (1984), où il relate avec une lucidité poignante les conditions de sa détention et les mécanismes oppressifs du régime.
Un artiste pluridisciplinaire : de la poésie à la peinture
Au-delà de la littérature, Breytenbach est également un peintre accompli. Ses œuvres, souvent surréalistes, explorent les thèmes de l'exil, de l'identité et de la liberté. Exposées dans le monde entier, elles témoignent de sa quête incessante de sens et de justice. En 2018, une exposition intitulée "The 81 ways of letting go a late self" au Stevenson Gallery du Cap met en lumière l'évolution de son art et sa réflexion sur le vieillissement et la mémoire.
Héritage et reconnaissance : une vie dédiée à la liberté
Après sa libération en 1982, Breytenbach retourne en France, où il obtient la nationalité française. Il continue d'écrire et de peindre, tout en enseignant dans diverses institutions académiques, notamment à l'Université du Cap et à l'Université de New York. Son engagement et son talent lui valent de nombreuses distinctions, dont le prestigieux Zbigniew Herbert International Literary Award en 2017.
Breyten Breytenbach laisse derrière lui une œuvre prolifique et un héritage indélébile dans la lutte contre l'oppression. Son décès marque la fin d'une époque, mais son esprit rebelle et sa quête de justice continueront d'inspirer les générations futures.
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