Abiy Ahmed en Malaisie : l'Éthiopie se tourne vers l'Asie pour renforcer ses ambitions économiques
En quête de nouveaux alliés économiques, le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed multiplie les gestes de coopération avec la Malaisie. Dans un contexte où les puissances mondiales se bousculent pour s’ancrer en Afrique, l’Éthiopie affiche une stratégie de diversification de ses partenariats en direction de l’Asie. Entre promesses d’investissements et développement de corridors commerciaux, cette visite officielle en Malaisie est tout sauf anodine.
Abiy Ahmed, entre la Chine et l’Occident : vers une troisième voie économique ?
Le 26 octobre 2024, Abiy Ahmed entame une visite officielle en Malaisie, concrétisant une ambition d’ouverture asiatique. Pourquoi la Malaisie ? Un choix qui semble loin du hasard. Ce pays, avec sa croissance dynamique et ses industries technologiques de pointe, pourrait offrir à l'Éthiopie un modèle alternatif, loin de l’influence excessive de Pékin et des conditions contraignantes souvent associées aux aides occidentales.
Cette visite, qui marque un tournant dans la diplomatie économique éthiopienne, témoigne de l’intérêt d’Abiy Ahmed pour une diversification pragmatique des partenaires internationaux. Depuis des années, l'Éthiopie s’est appuyée sur des investissements massifs chinois pour ses infrastructures, comme le célèbre projet de chemin de fer Addis-Djibouti financé par Pékin. Cependant, la dépendance économique croissante à la Chine commence à susciter des inquiétudes à Addis-Abeba, qui cherche désormais à éviter les pièges de la dette excessive. La Malaisie pourrait ainsi incarner une option plus équilibrée, où coopération technologique, savoir-faire industriel et financement privé cohabitent sans imposer d’agendas géopolitiques trop contraignants.
La Malaisie, elle aussi, a tout à gagner de cette nouvelle amitié. En quête d’influence en Afrique, Kuala Lumpur a l’opportunité de renforcer son image sur le continent. Pour Abiy Ahmed, il s’agit de consolider une voie de croissance durable et indépendante, ancrée dans une stratégie de long terme. En marge des rencontres bilatérales, des accords portant sur l'innovation, le numérique et les industries vertes ont été abordés, soulignant une vision partagée autour des technologies de pointe.
Un partenariat économique axé sur le commerce et l'innovation verte
L'Éthiopie et la Malaisie semblent accorder une importance particulière aux industries vertes, une réponse au défi climatique qui résonne avec la transition énergétique africaine. Alors que le continent est souvent pris en otage entre les besoins immédiats de développement et les injonctions écologiques, Abiy Ahmed se positionne sur une ligne de crête. Il vise à associer la croissance économique de l'Éthiopie à des engagements environnementaux concrets, notamment via des projets dans les énergies renouvelables, secteur dans lequel la Malaisie dispose d’une solide expertise.
Au-delà de l’énergie verte, la coopération entre les deux nations pourrait aussi se déployer dans les secteurs du numérique et des télécommunications. La Malaisie, pionnière dans le développement de « Smart Cities » et de solutions technologiques adaptées aux contraintes des pays en développement, pourrait offrir des solutions concrètes aux défis urbains d’Addis-Abeba. En s’inspirant des modèles asiatiques de villes intelligentes, Abiy Ahmed espère transformer Addis-Abeba en une capitale moderne, mieux équipée pour répondre aux besoins d’une population en forte croissance.
Avec l’ouverture de corridors commerciaux entre l’Asie du Sud-Est et la Corne de l’Afrique, ce rapprochement économique pourrait aller bien au-delà des simples échanges. Des discussions sur des lignes de crédit et des aides au développement des infrastructures éthiopiennes, notamment portuaires, ont été engagées, renforçant encore le potentiel de cette coopération.
Diversification et défis : un pari ambitieux pour l'Éthiopie
En diversifiant ses partenaires économiques, l'Éthiopie cherche à s'émanciper d'une tutelle chinoise parfois pesante, tout en restant à l’écart des ingérences occidentales. Mais cette stratégie n’est pas sans risques. La Malaisie, bien que dynamique, est une puissance moyenne en Asie et ses capacités d’investissement ne rivalisent pas avec celles des mastodontes chinois ou occidentaux. Cependant, l’approche flexible et collaborative de Kuala Lumpur offre une alternative attractive pour Addis-Abeba.
Abiy Ahmed semble donc miser sur une montée en puissance par paliers, où des alliances ciblées pourraient permettre à l'Éthiopie de s’imposer comme un acteur régional de premier plan, sans sacrifier sa souveraineté économique. Les critiques de l’opposition éthiopienne n’ont d’ailleurs pas tardé à pointer les risques d'un "tropisme asiatique", craignant que la diversification des partenaires ne masque en réalité une nouvelle forme de dépendance.
Mais pour Abiy Ahmed, il s’agit d’une stratégie de survie économique. Dans un contexte de concurrence accrue pour les ressources africaines, l'Éthiopie doit exploiter chaque opportunité pour renforcer sa position. En se tournant vers l’Asie, il espère inscrire son pays dans un schéma de développement moins contraignant, plus respectueux des particularités locales, et surtout plus adapté à ses ambitions.
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