Afrique du Sud : ambition audacieuse ou rêve inachevé pour la raffinerie de Pretoria ?

À Pretoria, l'effervescence est palpable alors que le gouvernement sud-africain met un coup d'accélérateur sur son projet de raffinerie d'envergure. Inspiré par le modèle nigérian de l'industriel Aliko Dangote, qui a révolutionné le secteur pétrolier du Nigeria, le président sud-africain Cyril Ramaphosa entend faire de son pays un acteur majeur dans le domaine énergétique. Mais cette ambition, bien que louable, soulève de nombreuses interrogations sur la viabilité et les réels bénéfices d'une telle initiative.

Une ambition contrecarrée par des réalités complexes

La création d'une raffinerie géante à Pretoria n'est pas qu'un simple caprice. Elle s'inscrit dans une stratégie gouvernementale visant à réduire la dépendance de l'Afrique du Sud aux importations de produits pétroliers. Toutefois, il est crucial de se demander si le pays possède actuellement les moyens techniques, financiers et humains pour mener à bien un tel projet. L'historique des grandes infrastructures dans le pays laisse à désirer.

En effet, l'Afrique du Sud a souvent été victime de retards dans des projets similaires. La centrale électrique de Medupi, par exemple, a accumulé les années de retard et les dépassements budgétaires, laissant les citoyens sur leur faim et les finances publiques à l'agonie. Alors, à quoi bon rêver grand si le pays ne sait pas gérer les rêves qui finissent par rester au stade de projets?

Les impacts sur l'environnement et la société

Outre les questions financières, l'éventualité d'une nouvelle raffinerie soulève des préoccupations environnementales légitimes. Dans un monde de plus en plus conscient des dangers du changement climatique, construire une raffinerie massive à une époque où l'Afrique du Sud souffre déjà de problèmes de pollution semble relever de l'ironie. Quel message cela envoie-t-il aux générations futures? Une dépendance accrue aux énergies fossiles alors que les énergies renouvelables commencent à peine à prendre leur envol sur le continent?

En prime, il y a la question de la main-d'œuvre. Les promesses d'emplois sont souvent brandies en tant qu’argument phare pour soutenir de tels projets. Pourtant, la réalité du marché de l'emploi en Afrique du Sud, avec un taux de chômage avoisinant les 30%, rend ces promesses presque vaines si les compétences des travailleurs locaux ne sont pas prises en compte. Qui bénéficiera réellement de ces emplois? Les Sud-Africains ou une main-d'œuvre étrangère, comme c'est souvent le cas?

Leçons à tirer du modèle nigérian

Il serait naïf de penser que l'Afrique du Sud pourrait simplement reproduire le parcours nigérian sans tenir compte des spécificités de son propre afro-paysage. Le Nigéria, avec sa raffinerie de Dangote, a certes montré qu'une transformation audacieuse est possible, mais cela a pris des années de préparation, des investissements colossaux et une politique cohérente. Ramaphosa et son administration doivent impérativement éviter de tomber dans le piège du populisme. Des rouages bien huilés doivent être en place pour que ce projet devienne un succès au lieu de se transformer en un nouvel exemple d'échec retentissant.

À l'heure où l'Afrique du Sud se trouve à la croisée des chemins, le temps est venu de sortir des discours et de mettre en œuvre des stratégies à long terme. Les Sud-Africains méritent une vision claire, plutôt qu'une série de promesses vides qui finiront par se heurter aux dures réalités de l'économie mondiale. La flamboyante raffinerie de Pretoria pourrait-elle devenir une réalité, ou ne sera-t-elle qu'un nouvel rêve inachevé dans le grand livre des projets d’infrastructures sud-africains? L'avenir nous le dira.