Artikle: Tchad : que sait‑on vraiment de la mort de Fulbert Mouanodji ?

Tchad : que sait‑on vraiment de la mort de Fulbert Mouanodji ?
Au Tchad, la découverte du corps calciné du haut fonctionnaire Fulbert Mouanodji, le 2 août 2025 à Abéché, ébranle un pays. Alors que le parquet évoque un suicide à l’essence, la famille crie au meurtre. L’enquête promise convainc peu. Le silence des États interroge : peut‑on croire en une investigation indépendante ?
Une mort violente, un appel ignoré
La scène est glaçante. Dans la matinée du 2 août 2025, à Abéché, le corps de Fulbert Mouanodji, ancien directeur de cabinet du délégué général auprès de la province de l’Ennedi‑Est, est retrouvé brûlé vif, immolé à l’essence dans la rue.
La veille, il avait posté un message sur Facebook : « je suis en danger les amis ». Aucune réponse de l’État, aucun soutien : ce cri est resté sans écho officiel.
Les images de la scène, diffusées sur les réseaux sociaux, ont déclenché une onde de choc au Tchad, mêlant horreur et révolte collective.
Suicide officiel, meurtre revendiqué
Le procureur général d’Abéché a annoncé que Fulbert Mouanodji se serait immolé volontairement : deux bouteilles d’essence achetées, geste public, suicide devant témoins. Ce serait la conclusion d’une enquête ouverte mais selon lui, celle-ci n’en est qu’à ses débuts.
Mais la version officielle heurte de plein fouet le récit des proches. Sa sœur dénonce : « S’il avait voulu se tuer, il l’aurait fait à N’Djamena, près des siens ».
Un cousin évoque une trace de balle à la cuisse sur les images de son corps, affirme que Fulbert répétait qu’il était suivi par des agents des renseignements présents dans son bus, qu’il avait reçu des visiteurs suspects après une discussion publique à N’Djamena sur la situation politique. Pour lui, « c’est un assassinat, tout court ».
La disparition de l’autopsie, l’inhumation rapide sans concertation, la décision de ne pas rapatrier le corps à N’Djamena nourrissent le soupçon : une mise au pas administrative, sans transparence, sans dignité.
Pourquoi la famille rejette la thèse du suicide ?
Trois éléments fondent l’incrédulité des proches.
Premièrement, les messages de danger lancés à demi-mot, qui décrivent une peur réelle et croissante. Deuxièmement, les confidences de Fulbert sur une réunion houleuse dans un bar de N’Djamena avec des agents de renseignements, suivies d’une peur palpable. Troisièmement, une scène trop violente pour coïncider avec un suicide, selon la famille : l’état du corps, les traces, l’environnement, tout laisse craindre une violence extérieure.
L’inhumation rapide sans autopsie, alors que les proches appelaient au rapatriement du corps pour offrir des obsèques dignes et transparentes, est perçue comme une volonté d’étouffer toute investigation sérieuse.
Une enquête indépendante ?
Officiellement, une enquête est ouverte. Le procureur assure que l’instruction commence. Mais pour l’opinion publique et les membres de la famille, ce n’est pas suffisant. Il faudrait une commission indépendante, internationale ou au moins pilotée par des magistrats intègres, avec autopsie, auditions des témoins, examen des vidéos, vérification des trajets, des messages, de l’origine des menaces. Sans cela, toute conclusion restera suspecte.
Ce cas met en lumière les fragilités structurelles : zone frontalière sensible, présence d’agents sécuritaires omniprésente, climat d’impunité. Des observateurs évoquent un environnement délétère pour les fonctionnaires dans les provinces les plus exposées – où la parole libre devient trop souvent une mise en danger.
Vers une onde de choc citoyenne
Le décès de Fulbert Mouanodji est devenu un objet de scandale. Sur les réseaux sociaux tchadiens et dans la diaspora, on s’indigne. On interroge l’État, le silence, la mollesse du système judiciaire. On exige justice, transparence et réparation. Des citoyens, des confrères, des collègues rappellent qu’il était un homme calme, sans histoire, engagé.
Ce récit profondément clivant pose une question sous-jacente : peut‑on encore croire à l’impartialité des institutions quand elles sont parties prenantes ?
Botika commentaire
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