
Kinshasa mise gros sur la sécurité : pourquoi les blindés émiratis pleuvent sur la RDC
Kinshasa : géopolitique d’une course sécuritaire
Kinshasa voit défiler des colonnes blindées. Des véhicules émiratis arrivent par dizaines, venus d'Abu Dhabi pour doper la sécurité dans l’est mais aussi dans la capitale. Dès février 2024, des Calidus MCAV‑20, fruits de la coopération avec les Émirats, furent visibles aux abords de Goma, dans le cadre d'opérations anti‑M23. En juillet 2023, une parade dans la capitale a mis en évidence ces engins, alignés sous les caméras lors d'une démonstration de force de la Garde républicaine .
Avril‑mai 2025 voit un nouveau lot, plus conséquent, débarquer : une centaine de blindés Kasser II sont livrés par l’entreprise émiratie International Golden Group via le port de Matadi. Ce flux s’inscrit dans la continuité d’un vaste programme amorcé il y a trois ans suite à un engagement diplomatique fort jusqu’à Abu Dhabi : 30 blindés furent promis en 2021 en marge d’un accord de coopération globale .
Blindés émiratis : capacités et mythes opérationnels
Les modèles livrés sont loin d’être anecdotiques. Le Calidus MCAV‑20, robuste 4×4, propose mobilité et protection pour les unités de la Garde républicaine. Quant au Kasser II, puissant MRAP émirati, il est conçu pour résister aux mines et embuscades, un atout certain pour contrer les ambushes dans l’est du pays.
Ces blindés améliorent sensiblement les capacités de transport de troupes protégées (TTF) et de patrouille mobile. En témoigne l’usage préemptif qui en est fait dans les quartiers sensibles de Kinshasa, notamment par la Garde républicaine, un signal fort adressé à toute dissidence éventuelle.
Enjeux multiples : sécurité, signal politique et pression diplomatique
Le renforcement blindé sert plusieurs objectifs :
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Maîtrise urbaine : la présence des blindés dans Kinshasa rassure et dissuade ; elle montre une doctrine sécuritaire musclée, assumée par le pouvoir.
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Projection à l’est : les blindés renforcent la posture militaire contre le M23, en écho aux tensions toujours vives dans l’est.
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Alliances stratégiques : en échange de coopération militaire, la RDC offre des concessions minières (cuivre, cobalt) en souterrain d’un deal plus large avec les Émirats.
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Opération de communication : montrer ces blindés, à Kinshasa comme ailleurs, sert le pouvoir en place via une démonstration de puissance face à l’opposition ou la rue.
Pour les Émirats, cette alliance leur ouvre un débouché régional, leur permet de renforcer leur soft power, et double d'une stratégie économique : les contrats de défense dégagent profits et influence diplomatique.
Une montée en puissance sous observation
L'arrivée massive de blindés déclenche des débats :
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Certains estiment que la priorité devait être donnée à la réforme de la police et au développement socio-économique des quartiers populaires.
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D’autres mettent en garde : la survalorisation de l'appareil militaire en zone urbaine peut fragiliser la confiance civilo-militaire, voire créer des tensions entre une population méfiante et des forces perçues comme très militarisées.
Mais pour le gouvernement, ce programme blindé s’inscrit dans une stratégie globale de sécurisation à double niveau : prévenir les insurrections intérieures et projeter une posture défensive crédible face aux menaces, notamment dans l’est.
Kinshasa est entrée dans une nouvelle ère sécuritaire, où les blindés ne sont plus uniquement l’apanage des zones de conflit. En investissant massivement dans des matériels sophistiqués venus des Émirats, la capitale marque son ambition d’afficher une « sécurité de haut niveau » sans pour autant renoncer aux impératifs de paix sociale. Le pari est politique autant que sécuritaire : l’efficacité opérationnelle pourra faire parler, mais le dialogue avec la société civile et le renforcement des institutions resteront le vrai test de ce nouveau monde blindé.
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