Niger : Orano contraint de suspendre sa production d'uranium à Arlit
Le 31 octobre 2024 marquera une date importante pour le secteur de l'uranium au Niger. Le géant français Orano, leader mondial de l'exploitation de ce métal rare, a pris la décision de suspendre ses activités sur le site emblématique d’Arlit, dans le nord du pays. Cette annonce, faite le 23 octobre, vient marquer un tournant dans la relation déjà tendue entre le Niger et la société française depuis le putsch de juillet 2023. Ce qui semblait être une crise diplomatique et politique locale prend désormais une ampleur économique et énergétique mondiale.
Une industrie bloquée par la fermeture des frontières
La décision de suspendre la production n'est pas une surprise totale. Depuis le coup d'État militaire qui a renversé le président démocratiquement élu Mohamed Bazoum en juillet 2023, les relations entre Niamey et ses partenaires internationaux, y compris Orano, se sont considérablement dégradées. En cause : la fermeture des frontières entre le Niger et le Bénin, une route vitale pour l’exportation de l'uranium extrait dans le désert nigérien.
Les exportations de Somaïr, la filiale d’Orano qui exploite le site d'Arlit, sont bloquées sur place. Résultat : 1 050 tonnes d’uranium, représentant une valeur marchande estimée à 300 millions d’euros, sont immobilisées. Ce stock, impossible à acheminer, devient un fardeau financier croissant pour l’entreprise, déjà mise à mal par les événements politiques et économiques des derniers mois. « Malgré tous les efforts pour débloquer la situation, toutes nos propositions sont restées sans réponse », a déclaré la porte-parole d’Orano à l'Agence France Presse.
Une décision « navrante » mais inévitable
La suspension de la production d'uranium à Arlit, une région qui symbolise depuis des décennies la place centrale du Niger dans l’approvisionnement mondial en uranium, est vécue par Orano comme une décision « navrante » mais incontournable. En effet, les difficultés financières de Somaïr ne cessent de s’aggraver. L'entreprise a déjà fait face à plusieurs revers depuis le coup d'État, à commencer par une première suspension de la production entre septembre 2023 et février 2024, en raison de l’incapacité à faire venir des intrants chimiques indispensables pour maintenir l'activité.
De plus, en juin 2024, le gouvernement nigérien a retiré à Orano son permis d’exploitation du gisement d’Imouraren, un autre coup dur pour l’entreprise qui a enregistré une perte de 133 millions d’euros au premier semestre de l'année. Cette série de revers a été aggravée par l’adoption, en septembre 2024, d’un projet gouvernemental de création d’une nouvelle société d’État de l’uranium, sans plus de détails sur son fonctionnement ou ses objectifs. Il semble clair que les autorités de Niamey cherchent à réorganiser, sinon nationaliser, leur secteur clé des ressources naturelles.
L'uranium, un enjeu stratégique pour le Niger et le monde
L’uranium du Niger représente une ressource stratégique, non seulement pour le pays, mais aussi pour de nombreuses puissances internationales. Orano, anciennement Areva, a longtemps dominé le secteur au Niger, avec des gisements tels qu'Arlit qui fournissent une part non négligeable de l'uranium mondial. Ce minerai est essentiel pour l'industrie nucléaire, utilisée pour produire de l’énergie en Europe et ailleurs, ainsi que dans les arsenaux militaires.
La suspension de la production à Arlit pourrait donc avoir des répercussions bien au-delà des frontières nigériennes, en perturbant les chaînes d’approvisionnement globales de cette ressource précieuse. Pour l’instant, cependant, aucune solution ne semble se dessiner. Le gouvernement putschiste du Niger, isolé par la communauté internationale, reste sourd aux propositions d’Orano et refuse toujours d'ouvrir la frontière avec le Bénin, qui est essentielle pour les exportations.
Un avenir incertain pour Orano et la filière uranium au Niger
Alors que l'entreprise française cherche des solutions pour reprendre ses activités, l’avenir de la filière uranium au Niger apparaît de plus en plus incertain. La création d’une nouvelle société d’État de l’uranium pourrait marquer la volonté du Niger de reprendre le contrôle de ses ressources naturelles, dans une démarche qui rappelle les velléités de nombreux pays africains de s’affranchir de la domination économique occidentale.
Orano, de son côté, devra redoubler d’efforts pour ne pas voir ses investissements au Niger réduits à néant. La société a déjà investi des sommes considérables dans le pays, notamment dans les infrastructures minières, et la perte d'accès aux gisements pourrait avoir des conséquences financières lourdes.
Le Niger, qui tire une part importante de ses revenus de l’uranium, doit quant à lui jongler entre ses ambitions de souveraineté économique et la nécessité de maintenir ses relations avec des acteurs majeurs comme Orano. La situation reste en suspens, avec des décisions cruciales qui devront être prises dans les prochains mois, tant du côté du gouvernement nigérien que de l’entreprise française.
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