Titre : RDC : Révision constitutionnelle, jusqu'où ira Tshisekedi ?
Alors que Félix Tshisekedi propose de réviser la Constitution, les tensions montent en République démocratique du Congo. Avec un texte jugé « dépassé » selon la présidence, les partisans de l'UDPS se montrent enthousiastes, tandis que l’opposition et la société civile redoutent une manœuvre politique pour prolonger son pouvoir. La question des mandats présidentiels pourrait être tranchée par un référendum, laissant entrevoir une bataille décisive.
Une réforme jugée nécessaire par Tshisekedi, mais contestée
En déplacement à Kisangani, Félix Tshisekedi n’a pas mâché ses mots : la Constitution actuelle serait « dépassée ». Il justifie la réforme en appelant à un texte qui refléterait une RDC plus forte, maître de son destin. Pour le président, la Constitution, rédigée en période de crise, est inadaptée aux aspirations du Congo d’aujourd’hui. Une commission devrait, en 2025, examiner en profondeur ce texte fondamental pour déterminer l’ampleur des modifications. Mais derrière les intentions affichées de Tshisekedi, l’opposition y voit une manœuvre pour contourner la limitation des mandats et s’installer durablement au pouvoir.
La porte-parole de la présidence, Tina Salama, précise que ce projet ne signifie pas forcément un changement sur la durée des mandats. Elle a également assuré qu’une ordonnance présidentielle définira les missions et la composition de la commission chargée d’examiner la réforme. Pour l’opposition, cependant, la crainte est grande de voir cette commission devenir un outil de légitimation pour une présidence prolongée. À la tête de l’opposition, le mouvement Lamuka, par la voix de son porte-parole Prince Epenge, dénonce une priorité « déconnectée » des besoins réels du pays, faisant allusion à la guerre dans l'Est et à une économie en crise.
« Le peuple avait dit non sous Kabila, il est prêt à dire non sous Tshisekedi », martèle Epenge, appelant le président à ne pas sacrifier les réels défis du pays au profit d’ambitions personnelles.
La société civile et la Cenco, entre vigilance et prudence
Dans un contexte où l'opinion publique se divise, la société civile et les institutions religieuses comme la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) s’inquiètent de l'éventualité d’une manipulation politique de la Constitution. Le secrétaire général de la Cenco, Mgr Donatien Nshole, rappelle une rencontre de juin dernier avec le président, au cours de laquelle les évêques ont appelé Tshisekedi à la prudence.
« Ce n'était pas une question pressante, nous a-t-il dit, et il n’a pas l’intention de s’éterniser au pouvoir », déclare Mgr Nshole.
Pourtant, le revirement actuel de l'UDPS laisse planer un doute. Si une frange des évêques reste convaincue des intentions initiales de prudence affichées par Tshisekedi, le soutien affirmé de son parti et le discours de certains ténors laissent entendre que l'idée d’un troisième mandat pourrait bien se profiler. Dans ce contexte, la Cenco réaffirme la nécessité d’un processus transparent, mais reste attentive à toute velléité de déverrouillage de l’article 220 de la Constitution, qui limite les mandats présidentiels à deux.
Vers un référendum, le peuple congolais comme arbitre ?
La question de la limitation des mandats est particulièrement sensible. Tshisekedi a laissé entendre que cette question pourrait dépendre de la volonté du peuple, et Tina Salama a confirmé que l’option d’un référendum n’était pas exclue. L’idée de consulter le peuple semble séduisante pour les soutiens de l’UDPS, qui y voient un moyen d’adapter la Constitution aux réalités et aux aspirations de la RDC contemporaine. Le député et cadre de l’UDPS, Eteni Longondo, va même plus loin en proposant que le nombre d’années dans un mandat présidentiel pourrait être réévalué.
« Nous pensons que nous sommes devenus forts, et que nous devons écrire une constitution qui donne aux Congolais la souveraineté de sa terre », affirme Longondo.
Cette approche, qui insiste sur une souveraineté « retrouvée », résonne avec un discours nationaliste, où l’UDPS présente la révision comme une émancipation de la période de guerre. Pour les partisans de Tshisekedi, permettre au président de prolonger son mandat serait donc un acte de souveraineté, une victoire de la démocratie participative. Mais pour ses détracteurs, cette rhétorique masque mal une tentative de contrôler le pouvoir au mépris des principes de limitation instaurés sous Kabila.
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