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Article: Un procès sous haute tension : Charles Onana et la contestation du génocide rwandais

Un procès sous haute tension : Charles Onana et la contestation du génocide rwandais
Charles Onana

Un procès sous haute tension : Charles Onana et la contestation du génocide rwandais

Une plume controversée face à la justice
Le procès de Charles Onana, intellectuel franco-camerounais, s’ouvre dans une atmosphère tendue à Paris. Accusé de "contestation de crime contre l’humanité" pour son ouvrage publié en 2019, Onana remet en question la planification du génocide rwandais de 1994. Pour lui, la thèse selon laquelle le gouvernement Hutu aurait organisé de manière préméditée l’assassinat de 800 000 Tutsis et Hutus modérés relèverait "d’une des plus grandes escroqueries du siècle". Ces propos, considérés comme une réécriture de l’histoire par de nombreux observateurs, ont suscité une vague d’indignation internationale.

Ce n’est pas la première fois que l’écrivain se retrouve au centre d’une polémique juridique. Il avait déjà été poursuivi en 2020 par l’ONG Survie et la Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) pour "contestation publique de crime contre l’humanité". Aujourd’hui, la cour doit statuer sur le contenu de son livre, qui selon ses détracteurs, tend à minimiser les atrocités commises lors de ce génocide largement reconnu par la communauté internationale.

L’écrivain, âgé de 60 ans, s’est défendu à travers son avocat Emmanuel Pire, en affirmant que son œuvre est le fruit de plus de dix ans de recherche minutieuse sur les événements qui ont conduit au génocide, mais aussi sur ce qui s’est déroulé avant et après. "Il ne nie pas le génocide", martèle son avocat. "Ce qu’il conteste, ce sont les mécanismes politiques et sociaux qui ont permis ce drame. Son livre est une analyse scientifique et non une contestation des faits."


Le poids des mots dans une affaire judiciaire
La question centrale que soulève ce procès est celle de la liberté d’expression face aux crimes contre l’humanité. Peut-on, au nom de la recherche ou de l’analyse historique, remettre en cause la version officielle d’un événement aussi tragique que le génocide rwandais ? En France, la réponse semble être non, du moins lorsqu’il s’agit de faits reconnus par l’État. La loi française, en effet, interdit la négation ou la minimisation des génocides, notamment la Shoah, et depuis peu, le génocide rwandais est également protégé par cette législation.

Les partisans de Charles Onana, eux, dénoncent ce qu’ils appellent un procès politique visant à museler toute critique des versions "officielles" de l’histoire. Pour eux, ce procès constitue une atteinte à la liberté académique, et l’ouvrage d’Onana ne fait qu’explorer des pistes alternatives dans l’analyse d’un événement complexe. "Il s’agit de comprendre les rouages de cette tragédie pour éviter que cela ne se reproduise", déclare un de ses soutiens. Cependant, cette défense semble insuffisante pour les organisations de défense des droits humains qui voient dans ces thèses une manière insidieuse de réhabiliter les responsables de ce massacre.

Le Rwanda et la France : un passé lourd à porter
Cette affaire intervient dans un contexte où les relations entre la France et le Rwanda, historiquement tendues, commencent à peine à se réchauffer. En 2021, le président Emmanuel Macron a officiellement demandé pardon au peuple rwandais pour le rôle de la France pendant le génocide. Il avait alors reconnu que son pays n’avait "pas su voir" l’imminence du carnage, préférant "le silence à l’examen de la vérité". Si ce discours avait été accueilli favorablement à Kigali, la question des responsabilités françaises reste néanmoins un sujet sensible, et ce procès pourrait bien rouvrir des plaies à peine cicatrisées.

Rappelons que la France a longtemps été accusée de complicité tacite avec le gouvernement Hutu de l’époque, notamment en soutenant militairement et politiquement le régime au pouvoir jusqu’aux derniers jours précédant les massacres. Bien que la France n’ait jamais été officiellement accusée de participation active au génocide, son rôle dans le soutien aux autorités hutus est perçu par beaucoup comme une erreur historique majeure.

Un procès à portée symbolique
Ce procès revêt donc une importance symbolique, non seulement pour la justice française, mais aussi pour la manière dont le génocide rwandais est perçu et traité dans les sphères publiques et académiques. Pour Camille Lesaffre, responsable de campagne pour l’ONG Survie, "ce procès est historique car il n’existe pas encore de jurisprudence en France sur la question de la négation du génocide rwandais". Elle ajoute : "Nous devons nous appuyer sur la jurisprudence liée à la Shoah, ce qui montre à quel point la justice française doit encore évoluer sur ce sujet."

Quel que soit le verdict, l’issue de ce procès aura un impact durable. Si Charles Onana est condamné, cela marquera un précédent judiciaire important en matière de reconnaissance des génocides dans le droit français. Mais si la cour choisit de relaxer l’écrivain, cela pourrait ouvrir la porte à davantage de publications controversées sur le sujet, avec des répercussions imprévisibles.


 

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