Gabon : une nouvelle constitution, un pas vers la démocratie ou vers l'autoritarisme ?
Le Gabon s’apprête à voter une nouvelle constitution le 16 novembre, mais cette réforme portée par Brice Oligui Nguema, Président de la Transition, laisse planer de nombreuses incertitudes.
Des modifications, mais un contenu toujours problématique
Malgré quelques modifications suite à des pressions populaires, l'article 43 (anciennement article 53) continue de limiter l'accès à la présidence à une tranche d’âge spécifique (35-70 ans) et à ceux résidant sans interruption au Gabon depuis plus de 3 ans. Cette clause controversée exclut une partie de la diaspora, notamment les Gabonais ayant vécu à l'étranger, qui sont très nombreux. Reste le critère particulièrement subjectif de "l'état physique et mental irréprochable", qui pourrait exclure arbitrairement de nombreux Gabonais.
Mais ce n'est pas la seule source d’inquiétude. La forte centralisation du pouvoir et la présidentialisation accentuée, ainsi que l’attribution d’un pouvoir réglementaire au président, soulèvent des questions sur la séparation des pouvoirs.
Une autre nouveauté, l’instauration d’un poste de vice-président nommé, remplaçant en quelque sorte la fonction de Premier Ministre, ajoute au scepticisme. Le fait que cette figure clé ne soit pas élue mais désignée directement par le président réduit considérablement la marge de contrôle démocratique.
On remarque également un changement de taille depuis le premier texte : l'autorisation pour les étrangers d'acheter des terres selon la loi organique, chose prohibée dans la version initiale de la constitution qui avait fuité en août. Cela inquiète les Gabonais concernant les dérives potentielles qui en découleraient, notamment via l'acquisition de terres par les investisseurs étrangers.
Autre disparition qui n'est pas de nature à rassurer les électeurs : le Président n'est désormais plus dans l'obligation de déclarer ses biens publiquement, ce qui était le cas dans la première mouture. Beaucoup d'éléments qui laissent à penser que le Gabon glisse vers un régime autoritaire sous couvert de révolution démocratique.
La réécriture de la constitution : une affaire de famille ?
Marie Madeleine Mbourantsouo, ancienne juge proche de la famille Bongo, aurait supervisé la rédaction de cette nouvelle constitution. Son implication, couplée au soutien sans réserve du PDG (Parti Démocratique Gabonais), ex-parti d'Ali Bongo, en faveur du référendum, renforce les soupçons d'accords occultes en coulisses. Il est frappant de constater que ce soutien a été affiché avant même que le texte ne soit officiellement dévoilé au public, ce qui alimente les craintes d’un processus verrouillé.
Le texte n’a été publié que le 21 octobre, mais l’appel à voter "oui" était déjà lancé par les soutiens depuis plusieurs semaines dans toutes les rues du pays. Un signe inquiétant de collusion?
Billy By Nzé, voix influente sur la scène politique, et une des rares personnes à militer pour le "non", a déclaré sur Twitter que tous les Gabonais devraient pouvoir se présenter à la présidence. Selon l'an cien premier ministre, loin de favoriser une ouverture démocratique, la constitution semble plutôt verrouiller l’accès au pouvoir à une élite restreinte, tout en centralisant encore plus les prérogatives entre les mains du président.
Oligui : réformateur ou simple successeur?
La grande question qui divise aujourd’hui les Gabonais est la suivante : le général Oligui Nguema, président de la transition et leader du Comité pour la Transition et la Restauration des Institutions (CTRI), cherche-t-il véritablement à démocratiser le Gabon, ou a-t-il simplement évincé Ali Bongo pour asseoir son propre pouvoir? La transition qu’il a instaurée était censée tourner la page sur la présidence controversée de Bongo. Mais les critiques émergent : cette constitution n'est-elle pas plus stricte encore que celle qu’elle remplace ?
Oligui n'a-t-il pas pris le pouvoir pour finalement renforcer les mécanismes autoritaires déjà en place, sous couvert de transition ? La suppression du Premier ministre, la création d’un vice-président non élu et le maintien d’un contrôle centralisé sont des signaux préoccupants.
Peuple gabonais : choix cornélien
Le peuple gabonais se retrouve face à un dilemme complexe. Voter "oui" à cette constitution, c’est non seulement soutenir le général Oligui et la fin de la transition, mais aussi accepter des mesures qui risquent de limiter les droits démocratiques à long terme. D'un autre côté, cela pourrait signifier la levée des restrictions actuelles, comme le couvre-feu, une mesure impopulaire qui affecte le quotidien. Cette pression est-elle juste pour un peuple désormais pris en otage depuis plus d'un an ?
La promesse de changement n'est-elle qu’un écran de fumée pour mieux solidifier son pouvoir ? Le référendum pourrait bien être la clé qui déterminera l'avenir démocratique (ou non) du Gabon. Mais en l’état, ce processus ressemble davantage à une réaffirmation de l'autoritarisme qu’à une véritable ouverture politique.
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