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Article: Libye, diplomatie de l’ombre à Paris : ce que prépare l’Élysée

Libye, diplomatie de l’ombre à Paris : ce que prépare l’Élysée
Afrique du Nord

Libye, diplomatie de l’ombre à Paris : ce que prépare l’Élysée

Rien n’a filtré. Ou presque. À Paris, dans un huis clos soigneusement orchestré, Paul Soler, conseiller Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Emmanuel Macron, s’est entretenu avec deux figures clés du paysage institutionnel libyen : le président du Parlement et celui du Haut Conseil d’État. Sujet officiel : la feuille de route des Nations unies et les élections. Sujet réel : le pouvoir. Et la manière de le reconquérir, dans un pays qui échappe à toute horloge démocratique depuis plus d’une décennie.

Paris comme capitale bis de la Libye politique

Ce n’est pas la première fois que la Libye se discute loin de Tripoli. Ni même loin de Benghazi. Paris s’est imposée, au fil des années, comme un théâtre diplomatique parallèle. Discret. Feutré. Mais lourd de conséquences. La rencontre pilotée par Paul Soler s’inscrit dans cette tradition française : parler à tous, miser sur les équilibres, quitte à brouiller les lignes.

Autour de la table, deux institutions censées incarner la légitimité libyenne. En réalité, deux structures rivales, engluées dans des querelles de prérogatives, incapables de s’entendre sur les règles du jeu électoral. C’est précisément là que la France prétend intervenir. En facilitateur. En arbitre. Certains diront en stratège intéressé.

La feuille de route onusienne sert de cadre. Elle est devenue un mantra diplomatique. Mais sur le terrain, elle ressemble à un document théorique, souvent invoqué, rarement appliqué. Paris le sait. Et Paris s’impatiente.

Les élections, promesse recyclée d’un État fantôme

Le mot revient sans cesse : élections. Il rassure les chancelleries. Il donne l’illusion d’un horizon. Pourtant, en Libye, il sonne creux. Les scrutins annoncés fin 2021 n’ont jamais eu lieu. Depuis, chaque tentative de relance s’est heurtée au même mur : qui peut se présenter, sous quelle autorité, avec quelles garanties sécuritaires ?

Paul Soler ne l’ignore pas. Son entretien vise moins à organiser des élections qu’à tester les lignes rouges. Jusqu’où le Parlement est-il prêt à céder ? Le Haut Conseil d’État acceptera-t-il un compromis sur les bases constitutionnelles ? Derrière ces questions techniques se cache une réalité brutale : aucune élite libyenne n’a intérêt à un vote qui pourrait la balayer.

La France avance donc prudemment. Trop prudemment, diront certains. En acceptant de discuter avec des institutions contestées, elle entérine un statu quo qui profite aux mêmes acteurs depuis des années. Mais l’Élysée assume. Mieux vaut un faux consensus qu’un chaos assumé.

Macron, l’ONU et le pari risqué de l’influence retrouvée

Cette initiative parisienne n’est pas isolée. Elle s’inscrit dans une volonté plus large d’Emmanuel Macron de repositionner la France sur le dossier libyen, après des années de flottement stratégique. Le soutien ambigu au maréchal Haftar a laissé des traces. À Tripoli comme à New York.

Aujourd’hui, Paris se range officiellement derrière l’ONU. Du moins dans le discours. La coordination avec les Nations unies est mise en avant. La feuille de route onusienne est brandie comme une boussole. Mais la diplomatie française conserve ses propres objectifs : stabilité, contrôle des flux migratoires, sécurité au Sahel, accès aux ressources.

Le pari est risqué. En multipliant les consultations sans résultat concret, la France s’expose à une critique croissante : celle d’une diplomatie bavarde, mais impuissante. Pire, certains Libyens y voient une ingérence déguisée, une manière de maintenir le pays sous perfusion politique, sans jamais le laisser trancher par les urnes.

Une rencontre de plus, ou le prélude à un nouveau marchandage ?

Faut-il croire à un tournant ? Rien n’est moins sûr. La rencontre orchestrée par Paul Soler ressemble davantage à un épisode supplémentaire d’un feuilleton interminable. Un dialogue de plus. Une promesse de plus. Pendant ce temps, la Libye reste fragmentée, armée, vulnérable aux influences étrangères.

Mais ignorer ces discussions serait une erreur. Car c’est souvent dans ces salons parisiens, loin des caméras, que se dessinent les compromis futurs. Bons ou mauvais. Durables ou explosifs.

La question demeure entière : la France cherche-t-elle réellement à accompagner une transition démocratique, ou simplement à sécuriser ses intérêts dans un pays qu’elle refuse de voir sombrer totalement hors de son orbite ? La réponse ne se trouve pas dans les communiqués. Elle se lira dans les actes. Et dans les urnes. Si elles voient un jour le jour.

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